1. Un record d’heures à prix négatif
La France est sur le point d’atteindre environ 300 heures à prix négatif sur le marché spot de l’électricité en 2024, un record jamais vu auparavant. Pour mettre cela en perspective, le pays avait seulement enregistré 11 heures négatives en 2018 et 64 en 2021. Cette année, la France a déjà comptabilisé 126 heures à prix négatif, dépassant même l’Allemagne qui en compte 118. Seuls l’Espagne et les Pays-Bas enregistrent davantage d’heures négatives, avec respectivement 127 et 128 heures.
Les restrictions sur les capacités d’exportation d’électricité vers les voisins du nord-est de la France ont également contribué à augmenter le nombre d’heures à prix négatif. Bien que l’impact exact soit difficile à quantifier, Clément Bouilloux expert du marché français pour la société de données EnAppSys de Montel, estime que sans ces restrictions, le nombre d’heures négatives aurait pu être inférieur, possiblement autour de 100 heures.
Cette situation sans précédent reflète une dynamique unique sur le marché spot de l’électricité en Europe. Cette tendance pourrait se maintenir jusqu’à ce que la demande d’électricité reprenne, ce qui ne devrait pas se produire avant la fin de la décennie, sauf si une réindustrialisation rapide de la France est mise en œuvre.
2. Quels sont les facteurs de cette baisse historique sur le marché spot de l’électricité ?
- Une diminution de la demande d’électricité
La baisse de la demande d’électricité en France est l’un des facteurs majeurs de cette situation. En 2023, la consommation d’électricité a diminué de 3,2%, une tendance qui s’explique notamment par la hausse des prix.
Depuis le début de l’année, la demande reste inférieure de 8,5% à la moyenne observée entre 2014 et 2019. Cette tendance est particulièrement marquée avec une chute de 8,5% pour les quatre semaines précédant le 7 avril, selon les données du gestionnaire du réseau de transport, le GRT.
Les données récentes montrent une consommation inférieure aux niveaux habituels, ce qui accentue la pression sur les prix.
- Une augmentation de l’offre de l’électricité
Parallèlement, l’offre d’électricité a connu une croissance remarquable, principalement due à une augmentation substantielle de la production d’énergies renouvelables.
En 2023, la production d’énergies renouvelables a bondi de 110,4 TWh à 135,6 TWh, grâce à l’expansion des capacités solaires et éoliennes. De plus, la production nucléaire a également joué un rôle crucial. En avril 2024, elle a augmenté de 7% par rapport à l’année précédente, atteignant 26,6 TWh, son niveau le plus élevé depuis 2021. Cette hausse de la production nucléaire a contribué de manière significative à la surabondance d’électricité sur le marché.
L’essor des éoliennes et des panneaux solaires contribue également à cette surproduction. Par exemple, durant le week-end des 13 et 14 avril 2024, EDF a dû arrêter six réacteurs et réduire l’activité de douze autres pour gérer l’excédent de production. La puissance du parc en service, normalement de 61,4 gigawatts, a été réduite d’un tiers pendant quelques heures.
3. Quel est l’impact du surplus d’électricité sur le marché ?
Cette combinaison de baisse de la demande et d’augmentation de l’offre crée un surplus d’électricité sur le marché, entraînant des périodes où les gestionnaires de centrale renouvelable doivent choisir entre coupé leur moyen de production ou le laisser fonctionner.
Dans le deuxième cas, le volume disponible reste constant. Les prix SPOT deviennent alors négatifs. Les producteurs d’électricité paient les consommateurs pour utiliser l’excédent d’énergie. Une situation économiquement contre-intuitive, mais qui reste rentable pour les producteurs pour qui il peut être plus cher de couper pour quelques heures leur production que de la revendre à prix négatif.
Par exemple, le samedi 13 avril 2024 à 14 heures, le mégawattheure était vendu à -55 €, ce qui signifie que les producteurs devaient payer pour que leur électricité soit absorbée par le réseau.